Infarctus du myocarde : comprendre, prévenir et traiter efficacement
- Superkiné
- 22 mars
- 9 min de lecture
Introduction
L'infarctus du myocarde est défini comme une nécrose ischémique d'une partie du muscle cardiaque, généralement provoquée par l'obstruction complète ou partielle d'une artère coronaire. Cette pathologie constitue une urgence vitale nécessitant une prise en charge rapide et appropriée pour minimiser les conséquences sur la fonction cardiaque et la survie du patient. L'identification précoce des symptômes et des facteurs de risque, ainsi que la compréhension des mécanismes physiopathologiques sous-jacents, sont essentiels tant pour les patients que pour les professionnels de santé.
Anatomie et physiologie cardiaque
Anatomie générale du cœur
Le cœur est un organe musculaire creux situé dans le thorax, dont la fonction principale est d'assurer la circulation sanguine à travers l'organisme.
Il est constitué de quatre cavités : deux oreillettes et deux ventricules.
L'oreillette droite reçoit le sang désoxygéné du corps par les veines caves, tandis que l'oreillette gauche reçoit le sang oxygéné provenant des poumons par les veines pulmonaires.
Chaque oreillette transmet le sang à son ventricule respectif qui le propulse soit vers les poumons (ventricule droit), soit vers l'ensemble de l'organisme (ventricule gauche).

Circulation coronaire
Le cœur lui-même est vascularisé par le réseau des artères coronaires, issu directement de l'aorte ascendante juste après la valve aortique.
Les deux principales artères coronaires sont :
L'artère coronaire gauche, qui se divise en artère interventriculaire antérieure et en artère circonflexe, vascularisant essentiellement les parties antérieures, latérales et postérieures du ventricule gauche.
L'artère coronaire droite, qui vascularise principalement le ventricule droit, la partie inférieure et postérieure du ventricule gauche ainsi que le système de conduction cardiaque dans la majorité des cas.
Ces artères jouent un rôle crucial puisqu'elles assurent l'apport continu en oxygène et en nutriments nécessaire au fonctionnement et à la survie du muscle cardiaque (myocarde). Toute interruption significative de cette vascularisation peut mener rapidement à des conséquences graves telles que l'ischémie puis la nécrose myocardique, autrement dit, un infarctus du myocarde.

Mécanismes physiopathologiques
L'infarctus survient généralement suite à la rupture d'une plaque d'athérome située dans une artère coronaire. Cette rupture provoque la formation d'un thrombus, obstruant partiellement ou totalement l'artère. L'ischémie myocardique résultante, si elle n'est pas rapidement corrigée, conduit à une nécrose irréversible du territoire myocardique concerné.
Cette nécrose entraine une perte fonctionnelle du myocarde (contractilité). Une partie du
muscle cardiaque est morte et ne se contractera plus

Mécanismes physiopathologiques détaillés
L'infarctus survient principalement suite à la rupture d'une plaque d'athérome, caractérisée par une accumulation lipidique dans la paroi artérielle. Cette rupture déclenche une réaction thrombotique conduisant à une occlusion partielle ou totale de l'artère.
Facteurs déterminant la taille de l’infarctus :
Taille de la zone à risque : plus l’artère coronaire est responsable d’un territoire
important, plus les conséquences seront importantes. Plus le thrombus est distal au
moins le territoire nécrosé sera important.
La circulation collatérale qui peut compenser l’occlusion.
La durée de l’occlusion : plus vite on arrive à déboucher cette artère au plus on arrivera
à sauver du territoire et au moins la nécrose sera importante. Chaque minute compte
lors d’un infarctus, maximum 4 heures car après 6 heure il y a 100% de nécrose. Les
4 premières heures sont déterminantes pour sauver le muscle cardiaque.
Les symptômes d'un infarctus :
Angor (angine de poitrine) : douleur due à l’ischémie
- Nausées, vomissements
- Palpitations
- Pâleur
- Hoquet
- Éructations
- Dyspnée
Hypokinésie cardiaque : moins de contractions et contractions moins fortes du cœur.
La douleur peut concerner la face antérieure du thorax, particulièrement au niveau de la
zone cardiaque. Il y a des irradiations surtout dans le bras gauche et parfois dans les deux
bras ; cela peut aussi irradier dans le cou et les mandibules.
Circonstances déclenchantes :
Stress émotionnel : augmentation des catécholamines
L’activité physique :
- Augmentation consommation d’O2
- Augmentation activité système nerveux sympathique (vasoconstriction)
- Augmentation débit cardiaque
- Augmentation pression artérielle
- Augmentation de l’activation plaquettaire
Le sport est considéré comme un risque relatif. L’activité physique diminue le risque
d’infarctus mais elle peut précipiter son apparition si une artère est déjà en train de se
boucher progressivement.
Formation et évolution de la plaque d'athérome
La plaque d'athérome résulte de l'accumulation de lipides oxydés (LDL) pénétrant dans l'intima des artères, formant des cellules spumeuses. Ces cellules constituent un noyau lipidique entouré d'une coque fibreuse. La plaque évolue à travers plusieurs stades :
Stries lipidiques
Plaque simple (stable)
Plaque compliquée ou instable (risque élevé de rupture)
L’athérosclérose selon l’OMS (organisation mondiale de santé) :
« Association de remaniements de l’intima des artères de gros et moyen calibre consistant
en une accumulation focale (endroit précis) de lipides, glucides, de sang (hématies,
plaquettes,..) et de dépôts calcaires (va apparaitre à la radio alors qu’elle n’apparait pas
normalement), avec remaniement de la média »
La plaque athéromateuse :
Cette plaque est caractérisée par un épaississement d’un endroit précis du vaisseau. On a
une accumulation de lipides dans la paroi des vaisseaux (intima). Ce cœur lipidique va
s’entourer d’une coque fibreuse : plus la plaque est dense et donc résistante, plus elle va
être stable. Cette diminution du diamètre du vaisseau va diminuer la perfusion sanguine.

A ce stade la plaque n’obstrue pas nécessairement le vaisseau.
Formation de la plaque d’athérome :
Invasion dans l’intima de monocytes et LDL (Low Density Lipoprtein) qui vont être oxydés
par des radicaux libres que l’endothélium inflammatoire va produire.
Les LDL oxydés vont pénétrer dans les macrophages et former ce que l’on nomme des
cellules spumeuses dans l’espace sous endothélial. Ainsi le noyau va devenir gélatineux
(cœur lipidique).
Les cellules musculaires lisses vont migrer (depuis la média vers l’intima) pour faire la coque. Ces cellules musculaires vont progressivement se transformer en fibroblastes et synthétiser des fibres de collagène. Il va y avoir une fibrose qui va s’installer.
Causes de l’athérosclérose :
Métabolique : trop de LDL (mauvais cholestérol) et pas assez de HDL (bon
cholestérol) dans le sang
Infectieuse : au niveau du sang par des virus ou bactéries qui viennent à la paroi des
vaisseaux et endommagent l’endothélium: cytomégalovirus, chlamydia pneumonie
Inflammatoire : oxydation LDL
Traumatique : lésion (atteinte d’une artère, cicatrice...) va entrainer un terrain
favorable à la formation de plaque d’athérome.
Évolution de la plaque d’athérosclérose :
Stries lipidiques (accumulation de cellules spumeuses dans l’intima) : paroi des
vaisseaux deviennent striées et jaunes.
Plaque simple (nodule fibrino-lipidique dans l’intima) : le noyau gélatineux sera bien
protégé, ne sera pas exposé à la circulation sanguine grâce à une coque épaisse.
Plaque compliquée ou instable : coque fibreuse fine, noyaux gélatineux graisseux.
Cela entraine une fragilisation qui mène à un grand risque de rupture de la plaque.
Rupture de la plaque : expose des facteurs thrombogéniques qui activent les
plaquettes et favorise la formation de thrombus
Thrombose (conséquence de la rupture de la plaque) : bouche partiellement ou
totalement le vaisseau, empêchant ainsi le sang de passer provoquant l’ischémie.
Donc une plaque stable ou dure est une plaque pauvre en lipide avec une capsule fibreuse
épaisse.
Au contraire une plaque instable ou molle est une plaque au noyau lipidique volumineux et
une chape fibreuse fine. C’est une situation à risque.
Localisation des plaques d’athérosclérose :
Artères proximales par rapport au cœur car la pression et les turbulences y sont
élevées. Le sang va bouger et être agité ce qui augmente les chances d’abimer
l’endothélium vasculaire et donc de créer une plaque.
Courbures et embranchements
Artères soumises à de grandes contraintes mécaniques.
Ordre de fréquence : Aorte abdominale > Artères coronaires > Artères iliaques > Artères
fémorales et poplitées > Artères thoraciques > Artères céphaliques
Facteurs de risque de l’athérosclérose :
Facteurs non modifiables :
Age : plus on vieillit plus à on a de chances de développer ce genre de plaques
Sexe : les femmes sont plus exposées
La présence d’antécédents familiaux de pathologies cardiovasculaires augmente grandement le risque de formation de plaques
Hypertension artérielle
Facteurs modifiables :
Mode de vie : régime alimentaire, alcool, stress, sédentarité…
Hypercholestérolémie
Hypertension artérielle
Diabète : cela entraine des phénomènes de glycation des tissus
Obésité : engendre tous les facteurs précédents (mauvais cholestérol, hypertension…)
Tabagisme : très gros facteur de risque
Détail des effets du tabac :
Effets hémodynamiques :
- Augmentation de la FC et PA (1min après la prise d’une cigarette)
- Augmentation des contraintes mécaniques du cœur et des vaisseaux
- Augmentation de la résistance artérielles périphérique car on stimule le système nerveux sympathique ce qui entraine une vasoconstriction (nicotine)
Effets rhéologiques : (rhéologie = science qui étudie la viscoélasticité des tissus)
- Augmentation de la viscosité du sang, il reste plus longtemps en contact avec la paroi du vaisseau
Effets métaboliques :
- Augmentation du cholestérol oxydé ce qui entraine une augmentation du LDL et LDL oxydée dans le sang, ce qui va préférentiellement aller dans les cellules spumeuses.
- Diminution du HDL
Effets hématologiques :
- Activation des plaquettes (2 cigarettes/J = x 100 l’activation plaquettaire) : se désagrège plus vite donc plus de risque de thrombus
- Augmentation du fibrinogène et plasminogène (qui coupe la fibrine)
Thrombose
Facteurs favorisants : la triade de Virchow :
Modification du flux sanguin (immobilisation : mobiliser un patient immobilisé,
dilatation veineuse)
Modification de la paroi des vaisseaux (traumatisme, infection)
Modification des propriétés du sang « déséquilibre hémostatique » (augmentation
des facteurs de coagulation, diminution de la fibrinolyse qui serait capable de
résorber le thrombus)
Si ces 3 éléments sont réunis, le risque de thrombus est très élevé !

Le thrombus est donc la conséquence d’une réaction de défense de l’organisme face à la
rupture d’une plaque d’athérome.
Évolution du thrombus :
Rupture totale de la plaque avec son accumulation thrombotique : Le thrombus se
détache et cela entraine une embolie dans un vaisseau en aval.
Si le thrombus ne se détache pas il peut quand même engendrer une embolie à
distance par détachement d’agrégats fibrino-plaquettaires.
Il peut être totalement occlusif, il va grossir jusqu’à bloquer l’entièreté de la lumière
du vaisseau.
Il peut être partiellement occlusif, dans ce cas il s’intègre à la plaque et se stabilise.
L’ischémie :
L’ischémie résulte de la discordance entre les besoins et les apports en O2 au niveau de
l’organe. Suite à l’occlusion thrombotique la perfusion artérielle n’est plus assurée. Le
territoire irrigué par l’artère en question est donc ischémie ce qui entraine une nécrose.
La nécrose :
Il s’agit d’une forme de mort cellulaire. Elle est la conséquence de l’arrêt brutal de la perfusion dans le territoire du cœur vascularisé par l’artère occluse.
Facteurs conditionnant la nécrose :
Nature de la vascularisation : on a parfois plusieurs artères qui vascularisent le même
territoire. Dans ce cas, même si on bouche une artère, son territoire sera toujours
irrigué par les autres.
Vitesse de développement de l’occlusion artérielle : lors d’occlusions progressives, il
peut y avoir la formation de collatérales grâce au phénomène d’angiogenèse. Ainsi
on court-circuite l’endroit qui est bouché (shunt)
Vulnérabilité du tissu a l’hypoxie : très sensible au niveau du cerveau par exemple
Diagnostic précis
Le diagnostic repose sur l'association de symptômes caractéristiques (douleur thoracique oppressante irradiant dans les bras, nausées, dyspnée), confirmée par des examens complémentaires : ECG, dosage des marqueurs biologiques, échographie cardiaque et coronarographie.
Traitements
Traitement médicamenteux
Antiagrégants plaquettaires
Bêta-bloquants
Statines
Inhibiteurs de l'enzyme de conversion
Traitement interventionnel : angioplastie et stent actif
L'angioplastie coronaire consiste en la dilatation de l'artère obstruée avec un ballonnet, complétée par la pose d'un stent actif pour éviter une réocclusion précoce ou tardive.
L'angioplastie coronaire consiste à traiter une artère coronaire rétrécie en la dilatant au
moyen d'une sonde munie d'un ballon gonflable à son extrémité.
Cette technique complète une coronarographie et débute habituellement par cette
dernière. La sonde montée sur guide métallique est introduite depuis une artère
périphérique (radiale ou fémorale) jusque dans l'artère pathologique.
Les coronaires sont visualisées par injection d'un produit de contraste radio-opaque,
permettant de localiser avec précision le lieu de l'intervention. Un fil métallique très fin est
utilisé pour franchir la sténose ou l'occlusion. Il sert de guide pour positionner de manière
stable la sonde d'angioplastie.
Une sonde, munie à son extrémité d'un ballonnet gonflable de diamètre et de longueur
variable (1 à 4 mm de diamètre, 10 à 40 mm de long), est introduite dans la coronaire. Le
ballonnet est gonflé à une pression variable (de 6 à 18 bars) afin de redonner à la coronaire
un diamètre normal en écrasant la plaque d'athérosclérose contre la paroi.
L'angioplastie au ballonnet est complétée par la mise en place d'un stent actif, petite prothèse métallique en forme de ressort qui est sertie sur le ballonnet. Lorsque le ballonnet est gonflé, le stent se déploie dans la coronaire afin d'offrir une résistance prolongée à la contrainte radiale exercée par la paroi de la coronaire qui a tendance à entraîner la récidive de la sténose (resténose) après angioplastie au ballonnet seul.
Les stents diminuent de façon significative la resténose précoce, mais exposent aux risques
de resténose tardive (par prolifération tissulaire dans le stent) et de thrombose (occlusion
brutale du stent par formation d'un caillot).
Pour éviter ces complications, on utilise des stents actifs qui délivrent localement un médicament (tacrolimus, sirolimus, paclitaxel) diminuant le risque de resténose et on prescrit aux patients stentés une combinaison de traitement antiagrégants plaquettaires au long cours.
Une fois l'angioplastie terminée, une nouvelle injection de produits de contraste permet de
visualiser le résultat. Une fois la procédure terminée, les sondes et les guides sont retirés et
le point de ponction est refermé par pansement compressif ou suture.
Le patient entame ensuite une prise en charge kiné consistant en une revalidation
cardiaque.
Réadaptation cardiaque et kinésithérapie détaillée
La revalidation cardiaque a plusieurs objectifs :
Amélioration de la tolérance a l’effort
Correction des facteurs de risque
Améliorer la fonction cardiaque, de la capacité fonctionnelle
Améliorer la qualité de vie du patient
Aide à la réinsertion professionnelle et familiale
Atténue le niveau d’anxiété et de stress
Offre un soutient psycho-social
Les effets du traitement sont :
Augmentation des performances physiques
Diminution de l’ischémie myocardique
Effets hémodynamiques
Effets pulmonaires
Effets musculaires
Effets sur le système nerveux autonome (augmentation du seuil de tolérance)
Effets sur la thrombogénicité
Effet sur le mental grâce au lien social dans le groupe de revalidation
Perspectives et conseils pratiques
Après un infarctus, il est essentiel d'adopter un mode de vie sain (alimentation équilibrée, activité physique régulière, arrêt du tabac, réduction de l'alcool) accompagné d'un suivi médical régulier pour prévenir toute récidive.
Conclusion
La compréhension exhaustive de l'infarctus du myocarde et de sa prise en charge globale constitue le meilleur moyen d'améliorer la prévention, le traitement et la qualité de vie des patients concernés.
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